Les promesses de l'agriculture

Publié le par Hugues Mouret

Message envoyé à la matinale du France Inter pour l'invité du 7/9 de P. Cohen.

Resté sans suite... Je le publie ici aussi. HM

 

A Monsieur Stéphane Le Foll, Ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire,

 

Vous connaissez je n'en doute pas ces informations, qui n'ont rien de secret (on le trouve sur les sites officiels), mais qui pourtant ne sont que rarement avouées.

 

Les cultures hautement toxiques (le modèle conventionnel développé au sortir de la seconde guerre mondiale) restent (largement) prépondérantes dans nos systèmes agricoles. Tout cela est encouragé et subventionné depuis des décennies par les politiques publiques nationales et internationales. La France reste ainsi le premier consommateur européen de pesticides (70-75 000 tonnes) et le troisième mondial. L'agriculture « moderne » occidentale est le principal pollueur de la planète...

 

Et selon l'IFEN (Institut Français de l'Environnement), en 2007, 59% des nappes phréatiques et 91% des eaux de surface contenaient des traces de pesticides...

 

- L'exemple de la vigne est effarant : cultivée sur 3,7 % de la surface agricole française, elle consomme 20 % des pesticides, 1/5 !!!

 

- Les cultures actuelles de canne à sucre et de banane sont aussi parmi les plus polluantes ; des cas de pollutions graves surviennent dans les DOM TOM.

 

- Nos immenses (mornes) plaines céréalières et maraichères se meurent et laissent place à des déserts biologiques ravinés, inquiétants...

 

Et ce ne sont malheureusement que quelques exemples.

 

A côté de cela, pour l'entretien et l'esthétique : 10 % des pesticides sont encore (!!!) utilisés dans les jardins, les espaces verts, sur la voirie, au bord des autoroutes, des chemins de fer, à proximité des cours d'eau..., c'est hallucinant ! Il existe des alternatives, interdisez cet usage immédiatement !

 

A l'échelle de la planète, ce sont 700 Tonnes de terre fertile qui disparaissent chaque seconde... Faites quelque chose !

 

Ainsi, des aides substantielles sont attribuées aux grandes cultures les plus polluantes, au détriment des petits paysans. L'agro-industrie a pulvérisé la polyculture-élevage traditionnelle, avec toutes ses variétés, ses races anciennes et rustiques, son terroir quoi ! Et notre campagne est complètement défigurée (monoculture, remembrement, drainage, plantation de résineux...).

 

 

Et concrètement ?

 Des solutions alternatives aux pesticides existent et naissent partout au travers de la planète, mais trop souvent à petites échelles. Alors que font donc les états, et l'Europe ?

L'Agriculture Biologique est un exemple parmi d'autres, mais elle ne représente que 3,3 % de la surface agricole utilisée en France. La barre des 6 % a pourtant été franchie en 2010 en Europe (UE 27 pays). (Chiffres Eurostat de 2011)

 

Résultat : nous importons du bio, qui du coup, ne l'est plus ! (bilan carbone)

 

 

Bien entendu, vous me direz qu'on ne peut pas tout cultiver en BIO ?


Et pourtant...

L'AFSSA(Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) reconnaît dès juillet 2003 (10 ans!!!) que : " Le mode de production biologique en proscrivant le recours aux produits phytosanitaires de synthèse, élimine les risques associés à ces produits, pour la santé humaine."

 

Quant à la FAO (Organisation, des Nations Unies pour l’alimentation et l'agriculture), en 2007 (6 ans!), lors de la conférence internationale sur l'Agriculture biologique et la sécurité alimentaire, elle annonçait que : " ... l’agriculture biologique a le potentiel de satisfaire la demande alimentaire mondiale, tout comme l’agriculture conventionnelle d’aujourd’hui, mais avec un impact mineur sur l’environnement."

" La principale caractéristique de l’AB est qu’elle s’appuie sur des biens de production disponibles sur placeet n’utilise pas de carburants fossiles; le recours à des procédés naturelsaméliore aussi bien le rapport efficience-coût que la résilience des écosystèmes agricoles au stress climatique."

" En gérant la biodiversité dans le temps (rotation des cultures) et l’espace (cultures associées), les agriculteurs bio utilisent la main-d’oeuvre et les services environnementauxpour intensifier la production de manière durable. Autre avantage: l’agriculture biologique rompt le cercle vicieux de l’endettementpour l’achat d’intrants agricoles, endettement qui entraîne un taux alarmant de suicides dans le monde rural. "

 

Par ailleurs, en 1999, le Comité du Codex Alimentarius de la FAO et de l'OMS reconnaissait déjà que "L'agriculture biologique est un système de gestion holistique de la production qui favorise la santé de l'agrosystème, y compris la biodiversité, les cycles biologiques et l'activité biologique des sols..."

 

Mais voilà, nous sommes encore et encore à la traine, alors que les bénéfices colossaux et indécents des lobbies agro-industriels continuent de flamber. Que rien ne change, surtout pas.

 

Ne nous mentons pas, ne nous mentez pas. Ces faits-là sont entendus. La lettre que le président de Syngenta vous a adressée tout récemment donne le ton (à lire dans Le Monde du samedi 7 février 2013). Y avez-vous réagi ?


 

 

L'agriculture européenne :

L'UE ne produit que 25% de ses besoins alimentaires, elle en importe donc les 3/4. Il reste donc de la marge en production locale.

 

La fameuse PAC représente environ 40 % du budget européen, soit 56 milliards d'euros.

10 milliards d'eurosreviennent en France (1er bénéficiaire).

 

Mais les objectifs affichés de la PAC sont de « maintenir une agriculture compétitive » (mais pas de qualité ?!).

 

Je me pose tout de même la question de cette compétitivité :

 

PAC =Permet d'Arroser les Créanciers ?

En 2011, parmi les 24 principaux bénéficiaires (qui ont touché plus de 5 millions d'euros !), il n'y a aucun agriculteur ! C'est ainsi que l'on subventionne les (plus) gros exploitants, et il s'agit bien entendu essentiellement d'agriculture conventionnelle (on risque vraiment de s'en sortir un jour…).

 

A ce propos, on lisait dans le Monde du 05 octobre 2011, que selon l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques), une grande part des aides agricoles vont aux mauvais bénéficiaires : de grandes exploitations ou des propriétaires terriens non agriculteurs, comme par exemple la Reine d'Angleterre (!!!), Albert de Monaco, LVMH, Le Cognac Hennessy, Nestlé, Lidl, le volailler Doux... (Non, mais on va où là ???!!)

 

Pendant ce temps les paysans se tuent au travail (sans mauvais jeu de mot !), et en France, une exploitation disparaît toutes les 20 minutes !

 

Par ailleurs, les prix indiqués des denrées alimentaires ne sont pas « justes » : il ne tiennent pas compte de la part de subvention de la PAC, qui aide de façon substantielle ces très grosses exploitations en conventionnel, autrement dit, ceux qui vendent (moins cher) les pires produits qui soient pour la santé des Hommes et de la planète.


 

Pour tout cela et même bien plus, je vous le demande, Monsieur le Ministre, n'y a-t-il pas là l'intérêt commun à défendre en prenant des mesures extraordinaires ?

Car le contexte est bien sorti de son ordinaire...


 

Ne retrouve-t-on pas dans toutes ces perspectives de changements de pratiques qui s'offrent à nous les objectifs communs que devraient défendre nos ministres de l'agriculture, de l'environnement, de la santé, de l'économie... ?

 

Car on parle bien là encore de ces changements nécessaires dans les rapports sociaux, économiques, écologiques.

 

Le modèle agricole prôné est fini, une telle PAC ne peut et ne doit plus exister. C'est une question de survie pour notre monde.


 

Engagez-vous, et engagez-nous dans une réforme audacieuse.

 

 

MERCI

 

Hugues Mouret, naturaliste, directeur de l'association ARTHROPOLOGIA (www.arthropologia.org)

 

Publié dans a - grigri - culture

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